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Writer's pictureFanny Lecuyer Giguère

Les changements olfactifs suite à un trauma crânien : mythe ou réalité ?

Fanny nous amène dans le monde des traumatismes craniocérébral léger et nous parle des possibles liens entre le traumatisme et les changements olfactifs.



Le traumatisme craniocérébral (TCC) est l’une des principales causes de mortalité en Amérique du Nord. En effet, de récentes statistiques indiquent que près de 4.4 millions de cas de TCC sont diagnostiqués annuellement au Canada et aux États-Unis1. En Amérique du Nord, les TCC sont classés en trois catégories soit léger, modéré ou sévère. La grande majorité (80%) des patients admis à l’urgence suite à un coup à la tête en sortent avec un diagnostic de trauma crânien dit léger (TCCL). Ceux-ci ont majoritairement subi un choc mineur à la tête (accident de vélo, sports, chute), n’ayant pas causé d’altération de conscience et peu d’amnésie de l’accident. À première vue, ce niveau de TCC semble assez anodin et dénué de conséquences. Cependant, plusieurs patients vont voir apparaître certains symptômes dans les premiers jours suivant l’accident. En effet, l’apparition de troubles physiques (maux de tête, nausées, fatigabilité), cognitifs (difficulté de concentration) et affectifs (humeur anxiodépressive) est fortement documentée suite au TCCL2


Outre cela, un autre symptôme, longuement passé inaperçus dû à son caractère plus subtil, a récemment été identifié par les cliniciens et les patients. Ainsi, la présence de troubles olfactifs commence effectivement à être davantage notée suite à un TCCL.

Puisque l’olfaction et le gout sont deux systèmes intrinsèquement liés, les patients vont souvent rapporter que les aliments sont plus fades et moins savoureux qu’avant l’accident. D’autres rapportent aussi sentir des odeurs qui ne sont pas réellement présentes et/ou remarquent une diminution quant à l’intensité des odeurs perçues dans leur environnement. Bien que la présence de troubles olfactifs suite à un TCCL soit un phénomène un peu plus connu des cliniciens, peu d’études ont réellement abordé la question de la perte olfactive post-TCCL. En effet, la majorité des études à ce jour portent sur l’évaluation des pertes olfactives auprès des patients ayant subi des TCC de plus hauts niveaux (modérés et sévères), puisque l’intensité des dommages causée aux structures olfactives provoque des pertes complètes et irréversibles de l’odorat (anosmie). Les pertes olfactives ont ainsi été facilement identifiées par les cliniciens et patients et ont donc attiré l’intérêt de plusieurs équipes de recherche, contrairement aux pertes olfactives plus subtiles retrouvées auprès de certains patients TCCL. Conséquemment, la littérature concernant les troubles olfactifs suite à un TCCL reste embryonnaire et les résultats assez variables. Effectivement, la proportion de patients TCCL ayant développé un trouble olfactif (hyposmie, parosmie) suite au trauma varie de 12 à 66%, en fonction des études consultées3-5. Cette grande variabilité semble principalement causée par des différences méthodologiques entre les études. Précisément, les capacités olfactives des patients n’ont pas toujours été évaluées à l’aide d’outils valides et les délais entre le TCCL et l’évaluation olfactive varient grandement d’une étude à l’autre.


Face à ces variabilités méthodologiques, le Dr Johannes Frasnelli et moi-même avons mis sur pied un projet visant à évaluer, à l’aide des meilleurs outils disponibles sur le marché, les capacités olfactives de patients TCCL au cours des 24 premières heures suivant l’accident. Nous avons observé que, lorsque comparés à des participants contrôles, les patients TCCL présentent une diminution significative de leurs capacités olfactives (hyposmie). En ce qui a trait aux proportions, 55% des patients TCCL présentaient des signes cliniques d’hyposmie, en comparaison à 5% dans le groupe contrôle.

Ainsi, bien que plusieurs études restent à être effectuées, afin de mieux comprendre et documenter les pertes olfactives et leurs conséquences à long terme sur la vie des patients, il semble que le développement de troubles olfactifs suite à un TCCL ne soit pas qu’un mythe, mais bien une réalité qui semble affecter une proportion significative de patients. Bref, si vous ou un proche subissez un TCCL dans les prochaines années, ne soyez pas surpris si vous sentez que votre olfaction vous joue des tours et n’hésitez pas à en parler à votre médecin.


1. Dewan, M.C., Rattani, A., Gupta, S., Baticulon, R.E., Hung, Y.-C., Punchak, M., Agrawal, A., Adeleye, A.O., Shrime, M.G. and Rubiano, A.M.J.J.o.n. (2018). Estimating the global incidence of traumatic brain injury. 1, 1-18.

2. Carroll, L.J., Cassidy, J.D., Cancelliere, C., Côté, P., Hincapié, C.A., Kristman, V.L., Holm, L.W., Borg, J., Nygren-de Boussard, C., Hartvigsen, J.J.A.o.p.m. and rehabilitation (2014). Systematic review of the prognosis after mild traumatic brain injury in adults: cognitive, psychiatric, and mortality outcomes: results of the International Collaboration on Mild Traumatic Brain Injury Prognosis. 95, S152-S173.

3. de Kruijk, J.R., Leffers, P., Menheere, P.P., Meerhoff, S., Rutten, J. and Twijnstra, A. (2003). Olfactory function after mild traumatic brain injury. Brain Inj 17, 73-78.

4. de Guise, E., Alturki, A.Y., Lague-Beauvais, M., LeBlanc, J., Champoux, M.C., Couturier, C., Anderson, K., Lamoureux, J., Marcoux, J., Maleki, M., Feyz, M. and Frasnelli, J. (2015). Olfactory and executive dysfunctions following orbito-basal lesions in traumatic brain injury. Brain Inj 29, 730-738.

5. Callahan, C.D. and Hinkebein, J.H.J.T.J.o.h.t.r. (2002). Assessment of anosmia after traumatic brain injury: performance characteristics of the University of Pennsylvania Smell Identification Test. 17, 251-256.

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