Hippolyte Cloquet, un des pionniers de la recherche scientifique sur l'olfaction
L’anatomiste parisien Hippolyte Cloquet (1787-1840) (1) fut, au XIXe siècle, un des pionniers de la recherche scientifique sur l’olfaction, champ disciplinaire auquel il donna le nom d’osphrésiologie (du grec osphresis, odorat et logos, discours); les centres nerveux impliqués dans l’olfaction sont d’ailleurs parfois réunis sous le terme d’osphrencéphale (2).
Bien sûr il commit quelques erreurs, travers inévitables — notion trop souvent oubliée — de la recherche quelle que soit l’époque. Ainsi, dans sa thèse de 1815, il écrivait que l’épithélium olfactif s’étendait sur la totalité de la muqueuse des fosses nasales (3) et, dans un mémoire publié entre 1818, il décrivait un ganglion sur le nerf nasopalatin lors de sa traversée du canal palatin antérieur, ganglion qui, selon lui, n’avait jamais été mentionné auparavant (4). Dans ce même mémoire, il créa le terme de nasitorium (contraction de nasi tormentum, tourment nasal) pour désigner la douleur de la muqueuse nasale provoquée par le contact palatin d’une substance comme la moutarde ou le cresson des fontaines.
Mais c’est en 1821 que fut éditée son œuvre maitresse, Osphrésiologie, ou traité des odeurs (5), ouvrage de 758 pages dédié au médecin physiologiste Jean-Georges Cabanis (1757-1808). Il y corrigea quelques erreurs contenues dans ses publications précédentes, reconnaissant par exemple que l’épithélium olfactif ne s’étend pas en réalité sur la totalité de la muqueuse des fosses nasales, mais se limite au plafond de la cavité nasale et à la portion supérieure du septum et du cornet nasal supérieur. Hippolyte Cloquet y fit également quelques observations intéressantes : 1) la muqueuse nasale possède une double innervation sensorielle (nerfs olfactifs) et trophique (nerfs ophtalmiques et ganglions sphénopalatins), 2) le mucus, produit par des organes « encore peu connus » — les glandes responsables de cette sécrétion seront décrites plus tard par Sir William Bowman (1816-1892) — a une plus grande affinité pour les molécules odorantes que pour l’air, et 3) les odeurs sont dues « à des molécules qui s’exhalent de la substance même des corps odorants ».
Mais il arriva un temps où la vie d’Hippolyte Cloquet fut saupoudrée de déboires.
Contrairement à ce qu’il avait écrit en 1818, il n’avait pas découvert ce ganglion car un dénommé Jacques-Louis Deschamps l’avait déjà mentionné en 1804 à la page 25 de sa Dissertation sur les maladies des fosses nasales. En outre, l’un comme l’autre se trompèrent car ce ganglion semble bien ne jamais avoir existé.
Hippolyte avait écrit un traité d’anatomie en 1816 (6). Or, il se trouve que son jeune frère et anatomiste lui aussi, Jules-Germain (1790-1883) (7), en publia un magnifique dont les 300 lithographies éclipsèrent à tout jamais celui d’Hippolyte.
Des complications de son alcoolisme chronique — Gustave Flaubert aurait semble-t-il dit de lui qu’il était « puits de science mais aussi puits de vin » — seront causes de sa mort survenue le 3 mars 1840. Par chance donc, il ne sut jamais que son fils Louis-André-Ernest (1818-1855) (8), anatomiste lui aussi, s’empoisonna à Téhéran en buvant un verre de teinture de cantharide qu’il crut être du Brandy…
(1) Hirsch A. (1885) Biographisches Lexicon der hervorragenden Aerzte aller Zeiten und Völker. Wien und Leipzig, Urban & Schwarzenberg, vol. 2, pp. 39-40.
(2) Terra P. de (1913) Vademecum anatomicum. Jena, Gustav Fischer, p. 381.
(3) Cloquet H. (1815) Dissertation sur les odeurs, sur le sens et les organes de l’olfaction, Paris, Crochard, 180 pp.
(4) Cloquet H. (1818) Mémoire sur les ganglions nerveux des fosses nasales. Paris, Migneret, 18 pp.
(5) Cloquet H. (1821) Osphrésiologie ou traité des odeurs, du sens et des organes de l’olfaction. Paris, Méquignon-Marvis, 758 pp.
(6) Cloquet H. (1816) Traité d’anatomie descriptive. Paris, Crochard, 2 vols.
(7) Saint-Restitut C. (1987) Jules Cloquet 1790-1883. Gazette médicale 94 (6) : 98-99.
(8) Richter-Bernburg L. (1992) Cloquet, Louis-André-Ernest. In: Encyclopaedia Iranica, vol. 5, fasc. 7, p. 718.
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